Le Socle : sans contreparties, mais avec inflation
La part dite « socle » des mesures correspond à une augmentation indemnitaire (ISOE, ISAE, indemnités spécifiques) d’un même montant pour tous, et d’une tranche de prime d’attractivité pour une minorité.
L’augmentation indemnitaire pour tous est en moyenne de 95€ nets par mois. Un léger différentiel existe entre le premier degré (environ 96€) et le second degré (environ 92€), puisque le gouvernement aligne sur un même montant ISAE du premier degré et ISOE du second degré. À noter que le tableau omet la situation des professeurs agrégés alors même qu’il est titré « enseignants du public et du privé, CPE et Psy-EN », et que les agrégés toucheront les mêmes sommes (mais qui représentent du coup un pourcentage inférieur pour eux).
–> Le SNALC a demandé que trois tableaux lui soient communiqués : un pour les PE, un pour les certifiés au sens large/CPE/PsyEN, et un pour les agrégés. Le SNALC dénonce l’ostracisme du ministère envers les professeurs agrégés, qui sont maintenant exclus même des documents transmis aux organisations syndicales représentatives[1].
Le tableau du ministère, même en excluant les agrégés des calculs, est clair : il n’y a pas 10 % d’augmentation pour tous, ni même 10 % en moyenne. Pour les deux tiers des enseignants concernés par le tableau, l’augmentation est comprise entre 2,7 % et 4,2 %, et est donc déjà mangée par l’inflation. La moyenne réelle est de 5,5 %, hors agrégés. En s’appuyant sur des constats faux, le ministère différencie très fortement les 11,5 premières années de carrière et les autres, alors même que l’OCDE indique que l’écart de rémunération pour les enseignants français est plus important en milieu de carrière[2]. Or les milieux de carrière ne touchent ici que montant minimum de la revalorisation.
–> Le SNALC exige qu’a minima, la revalorisation socle atteigne les 10 % promis en moyenne, avec une répartition équitable et indépendante de l’ancienneté.
Il est enfin à noter que même si la revalorisation réelle et sans contreparties était de 10 %, nous serions loin du compte. Le SNALC a transmis dès 2019 au ministère une large étude sur la rémunération des enseignants au regard de ce qui s’effectue dans le reste de la fonction publique d’État, et les enseignants sont très en-dessous de la moyenne des catégories A (de plus de 900€ par mois), alors même qu’ils ont un niveau de recrutement (bac+5) supérieur à la quasi totalité des autres catégories A.
–> Le SNALC porte depuis plusieurs années auprès des parlementaires le projet d’une loi de programmation pluriannuelle afin que la rémunération fixe des enseignants atteigne, dans les 5 ans, la moyenne de celle des fonctionnaires de catégories A de la fonction publique d’État.
–> Le SNALC exige que le point d’indice soit de nouveau indexé sur l’inflation pour tous les fonctionnaires.
Notons enfin deux derniers éléments. Tout d’abord, d’après le dossier de presse, les professeurs documentalistes verront enfin leur indemnité alignée sur la part fixe de l’ISOE.
–> Le SNALC rappelle que cette mesure répond à une de ses revendications de longue date. Le SNALC indique avoir porté les intérêts des professeurs documentalistes lors des échanges avec le ministère, aussi bien sur l’aspect financier que pour dénoncer (seul) le fait que le ministère n’incluait pas les professeurs documentalistes dans les enseignants dans son document de travail.
Enfin, cette hausse indemnitaire ne concerne une nouvelle fois pas les PRAG ni les PRCE, ni d’ailleurs les professeurs de chaire supérieure. Une grande partie des enseignants exerçant en post-bac sont donc purement et simplement ignorés, alors même que l’inflation, elle, n’ignore personne.
–> Le SNALC exige que toute mesure de revalorisation n’oublie personne. Il demande notamment aux ministères de l’Éducation nationale et du Supérieur d’ouvrir le dossier de la rémunération des PRAG et des PRCE, qui bénéficient systématiquement du pire de chaque ministère en la matière.
[1]Suite à la demande du SNALC, le ministère va (enfin) produire des tableaux par corps.
[2]https://www.radiofrance.fr/franceinter/salaire-des-enseignants-la-france-toujours-mauvaise-eleve-d-apres-le-dernier-rapport-de-l-ocde-6044324
Le Pacte : un piège, un chantage, mais pas une revalorisation.
Pour le SNALC, le simple fait de faire apparaître le pacte dans un tableau intitulé « revalorisation indemnitaire » est une insulte faite à l’intelligence des collègues. Le terme revaloriser a un sens dans la langue française, et ce sens n’est pas « travailler plus pour gagner plus ».
–> Le SNALC a porté et continuera de porter dans tous les grands médias nationaux que le pacte n’est pas une mesure de revalorisation.
À l’heure où j’écris cet article, une partie du fonctionnement de ce pacte est encore incertaine, notamment son articulation entre un cadre national et une autonomie locale. Ce que l’on sait, c’est qu’un pacte est un engagement (via une lettre de mission) sur une à trois tâches (les fameuses briques du pacte), rémunérées chacune 1250€ brut. Certaines tâches sont clairement plus importantes que d’autres, et figurent dans tous les exemples de pacte du dossier de presse. Il s’agit des 18h de remplacements de courte durée dans le secondaire, et des 18h de soutien/accompagnement en classe de sixième dans le primaire. Est-ce à dire que tout pacte contiendra obligatoirement cette brique imposée ? Cela dépend probablement des lois de l’offre et de la demande au sein de chaque école ou établissement ; et sans aucun doute du positionnement personnel du chef d’établissement ou de l’IEN. Avec tous les phénomènes que l’on connaît déjà avec les indemnités pour mission particulière : taux différents d’un lieu à l’autre, népotisme, inégalité d’accès pour des catégories comme les temps partiels, les TZR, etc.
Le SNALC voit dans cette focalisation sur le pacte une tromperie et une forme de chantage. Une tromperie, car on présente comme une mesure de revalorisation quelque chose qui vise en priorité à « boucher les trous » en contraignant les collègues à s’engager dans le remplacement de courte durée. Et peu importe l’intérêt pédagogique de ce dernier : un professeur d’anglais remplacera sur une heure de maths d’une classe qu’il n’a pas sans que ça gêne le moins de monde la rue de Grenelle. Le ministre est même allé jusqu’à imaginer publiquement que le professeur de mathématiques réciproquerait la chose plus tard dans l’année, preuve qu’il ne connaît absolument rien à l’Éducation nationale et aux établissements scolaires, et qu’il ferait mieux d’être ministre des utopies et des licornes.
Mais ce pacte présente deux dangers supplémentaires. D’une part, il ouvre la porte de la fameuse annualisation du temps de service, en normalisant et généralisant un système de forfait d’heures d’enseignement (remplacement, soutien, découverte des métiers…) qui échappe au cadrage hebdomadaire.
–> Le SNALC s’oppose à toute mesure qui permettrait, à terme, de glisser vers une annualisation des services et un décompte annualisé des heures d’enseignement.
D’autre part, le ministère n’a pas caché son intention de faire rentrer dans le pacte les actuelles IMP, si possible dès la rentrée 2024. Le SNALC a immédiatement signalé les phénomènes d’éviction que cela entraînerait (contraindre un collègue souhaitant être coordonnateur de discipline ou responsable réseau de faire des remplacements ou des heures de « devoirs faits » pour continuer d’accéder à sa mission), et le ministère en est parfaitement conscient et les assume, visiblement. Nous risquons également de voir les enveloppes d’HSE diminuer, puisque certaines missions actuellement couvertes par les HSE se retrouvent dans le pacte.
–> Le SNALC s’oppose au pacte, et donc à toute volonté d’intégrer des missions actuellement effectuées et rémunérées à ce dernier.
Pour le SNALC, les enseignants ont soit un concours (pour les titulaires), soit déjà signé un contrat (pour les contractuels). Ils n’ont donc pas à contractualiser un engagement supplémentaire, et à se lier eux-mêmes avec les chaînes qu’on leur présente. Si le pacte est présenté comme du volontariat, y compris pour les nouveaux entrants, c’est un volontariat beaucoup plus contraignant que le système actuel des HSE, ou même des IMP. En réalité, ce pacte est une mesure de gestion (les remplacements) et d’idéologie (les professeurs des écoles intervenant en sixième dans le cadre du sacro-saint cycle 3) qui profite de la perte continue de pouvoir d’achat des enseignants et mise sur le fait que certains, ayant de plus en plus besoin d’argent, se verront plus ou moins contraints de le signer.
En effet, quand le président de la République indique que les mesures annoncées sont ce qui est arrivé de mieux aux enseignants depuis 30 ans — on n’est plus à une provocation près — il indique surtout que les enseignants ont été abandonnés par leur employeur comme par les gouvernements successifs depuis au moins 30 ans. Y compris donc par le gouvernement en place lors du précédent quinquennat, qui était présidé par le même Emmanuel Macron. L’intérêt des collègues passe donc bien après celui de la com’ politique, où l’on annonce, grâce au pacte, « jusqu’à 500€ par mois » à des collègues qui verront majoritairement 92 ou 96€ sur leur fiche de paye, et pas davantage.
–> Le SNALC défend l’intérêt collectif des personnels. S’il entend que chaque collègue fera son choix de façon individuelle et en fonction de sa situation propre, il indique clairement que l’intérêt collectif des enseignants, CPE et PsyEN est de ne pas signer ce pacte. Il appelle donc clairement tous les collègues à ne pas le signer.
Jean-Rémi GIRARD, Président du SNALC